de Scholastique Mukasonga.
Ce roman m'a complètement séduit et envouté. J'avais apprécié "Notre Dame du Nil", "La Femme aux pieds nus" et "Ce que murmurent les collines Rwandaises" mais là j'ai eu un gros coup de coeur.
Construit sur deux grandes parties : "Kitami" et "Nyabingui", le roman se termine sur un épilogue Ruguina qui reprend le titre puisqu'il s'agit là du Coeur Tambour.
Au début, le narrateur journaliste suit, fasciné, les pas d'une chanteuse inspirée Kitami, au source d'une musique africaine rasta et pré-reggae. La star, énigmatique, semble puiser son inspiration au coeur de la magie africaine.
"Peut-on d'ailleurs, à propos de Kitami, parler véritablement de chanteuse, tant les incantations de celle qu'on surnommait l'Amazone noire semblaient jaillir des profondeurs d'une Afrique ancestrale à jamais insoumise? [...]
Dans la plupart des cas, Kitami, dès qu'elle entrait en scène, était saisie d'une sorte de transe qui, portée par le grondement des tambours qui l'accompagnaient, la projetait dans l'interminable improvisation magnétique qui constituait son seul répertoire et plongeait peu à peu l'auditoire dans une absolue béatitude, mêlée d'un grain d'hystérie, dont on avait longtemps après le concert, peine et regret à se défaire. Le chant avait pris possession de Kitami et déployait son corps dans les arabesques d'une danse éperdue ou le figeait au contraire dans les prostrations hiératiques d'une liturgie maniaque."
Dans la seconde partie, une petite rwandaise tutsi (ce qui est important pour la suite de l'histoire) raconte son enfance, sa vie sur la colline, ses contacts avec les pères blancs, ses études au lycée... et très vite le lecteur comprend que la narratrice explique comment, peu à peu envoutée, elle est devenue Kitami et comment le tambour,symbole de la révolte africaine contre les blancs, l'a adopté.
"Bien, dit Gahene, invisible dans le fond obscur de la hutte. A présent, offre-toi au tambour. Il s'est dévoilé pour toi, dévoile-toi pour lui. Peau contre peau : offre-lui tes seins, offre-lui ton ventre.Tu n'as rien à craindre de moi, je suis aveugle, il n'y a que toi et le tambour."
La troisième partie revient sur la mort mystérieuse de Kitami, retrouvée écrasée sous le tambour. Qui est l'assassin ?
Un roman magnifique donc que je vous conseille vivement.