Le ministère du futur
de Kim Stanley Robinson
Suite à la COP29, les états créent un nouvel organisme situé à Zurich et dont la mission est de défendre les futures générations de citoyens ainsi que la vie en général . Alors qu'ils mènent divers projets ambitieux, le sujet du changement climatique est jugé comme étant le plus préoccupant.
A travers les personnages principaux , Mary Murphy, la directrice du Ministère pour le Futur, et Frank May, survivant traumatisé de la grande canicule indienne, le roman trace une intrigue très ténue, prétexte à brasser l'ensemble des idées sur l'écologie, l'économie et tout ce qui permettrait de sauver la planète, y compris la nécessité cruciale d'y faire adhérer les banquiers. En fil rouge, avec Frank, Badim et d'autres se pose la délicate question du terrorisme écologique. Peut on sauver la planète sans recours à la violence ?
Le ministère du Futur était dirigé par Mary Murphy, une Irlandaise de quarante-cinq ans, ancienne ministre des Affaires étrangères de la république d'Irlande et, avant cela, avocate en droit syndical. Ce jour-là, en arrivant au bureau, elle trouva son agence plongée dans une crise qui ne l'étonna pas un seul instant. Impossible de ne pas être tétanisée par l'horreur de la canicule en Inde. L'événement meurtrier aurait à coup sûr de lourdes conséquences; la première frappait déjà à la porte.
Le directeur de cabinet de Mary, un petit homme mince nommé Badim Bahadur, suivit sa supérieure dans le bureau ministériel.
-Tu sais que le gouvernement indien lance une opération de gestion du rayonnement solaire?
- Oui, j'ai vu ça ce matin, répondit-elle. Ils nous ont fourni les détails?
-C'est arrivé il y a une demi-heure. Nos géo-ingénieurs affirment déjà que, si l'Inde suit ce plan, ça équivaudra plus ou moins à l'éruption du Pinatubo en 1991. Laquelle a fait chuter la température mondiale d'environ un degré Fahrenheit pendant un an ou deux. À cause du dioxyde de soufre contenu dans le nuage de cendres que le volcan a propulsé dans l'atmosphère. D'après nos experts, les Indiens mettront plusieurs mois à reproduire une telle décharge de dioxyde de soufre.
-Mais ils peuvent le faire?
-Sans doute, avec leurs forces aériennes. En tout cas, ils vont sûrement essayer puisqu'ils ont assez d'avions et d'équipements.
En gros, il suffit de reconfigurer le système de ravitaillement en vol. Les avions balancent toujours du carburant par-dessus bord, donc ce ne sera pas bien difficile. Leur vrai problème, ce sera de monter le plus haut possible. Ensuite, c'est juste une question de quantité de vols. Il en faudra des milliers.
Mary sortit son téléphone de sa poche et appela Chandra. La cheffe de la délégation indienne pour l'accord de Paris n'était pas une inconnue. Il se faisait déjà tard à Delhi, mais c'était l'heure habituelle à laquelle les deux femmes communiquaient.
Chandra, c'est Mary. Je peux te parler une minute?
-Juste une minute, alors, dit l'Indienne. Je suis très occupée.
-Je m'en doute. C'est quoi cette histoire d'imiter le Pinatubo avec votre armée de l'air?
-Nous espérons même le réitérer en deux fois plus puissant. C'est ce que recommande notre Académie des sciences, et le Premier ministre a donné son aval.
-Mais l'accord... (Mary s'assit pour se concentrer sur la voix de son interlocutrice.) Tu sais ce qu'il dit. Pas d'intervention atmosphérique sans consultations préalables.
-Nous rompons l'accord, annonça froidement Chandra.
-Personne ne sait quels effets ça pourrait avoir!
-Les mêmes que le Pinatubo. En deux fois mieux, donc, avec un peu de chance. C'est exactement ce qu'il nous faut.
-Tu ne peux pas certifier qu'il n'y aura aucune répercussion inattendue si...
-Mary! s'exclama Chandra. Arrête, Mary. Je connais par cœur tout ce que tu vas me dire. Ce que je peux te certifier, c'est que des millions de personnes viennent de mourir en Inde. Nous n'aurons jamais de chiffrage précis, c'est trop difficile à compter. Peut-être vingt millions. Tu comprends ce que ça veut dire?
-Oui.
-Non. Tu ne comprends rien. Je t'invite à venir voir par toi-même. Pour ton édification personnelle.
Mary déglutit, soudain à bout de souffle.
-Je viendrai, si c'est ce que tu souhaites.
Long silence au bout de la ligne. Chandra reprit, la voix serrée: -Merci, mais ce serait trop compliqué pour nous de gérer ce genre de visite en ce moment. Tu verras les images dans les rapports. Je te les enverrai dès qu'ils seront prêts. Tu dois bien te rendre compte.
J'ai pour ma part énormément apprécié ce roman de science fiction de 546 pages dans mon édition. A réserver cependant à de très bons lecteurs, l'intrigue romanesque disparaissant souvent derrière un essai économique ou sociologique très documenté.