L'arbre du pays Toraja

de Philippe Claudel

Très beau roman de Philippe Claudel dont j'avais adoré Les âmes grises.

Magnifique ode à l'amitié et à l'amour , le texte se construit autour de la disparition du meilleur ami, Eugène, mort d'un cancer , la rencontre du narrateur avec une femme lumineuse, Elena et en arrière-plan Florence, l'ex épouse toujours rassurante. Toute une réflexion lucide et sereine sur ce que veut dire être vivant.

Texte très poétique et de toute évidence largement autobiographique, comme l'écrit Marine de Tilly dans sa critique : Ce livre est une beauté et une délicatesse...

Près d'un village du pays Toraja situé dans une clairière, on m'a fait voir un arbre particulier. Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons. C'est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est sculptée à même le tronc de l'arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d'un linceul. On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l'arbre se referme, gardant le corps de l'enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors peu à peu commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme patient de la croissance de l'arbre.

Nous enterrons nos morts. Nous les brûlons aussi. Jamais nous n'aurions songé à les confier aux arbres. Pourtant nous ne manquons ni de forêts ni d'imaginaire. Mais nos croyances sont devenues creuses et sans écho. Nous perpétuons des rituels que la plupart d'entre nous seraient bien en peine d'expliquer. Dans notre monde, nous gommons désormais la présence de la mort. Les Toraja en font le point focal du leur. Qui donc est dans le vrai?