Les Furtifs

d'Alain Damasio

Reçu en cadeau cet extraordinaire roman, si complexe que je vous en donne la présentation de wikipédia  (une fois n'est pas coutume) :

Au milieu du XXIe siècle, dans une société transformée par le marketing personnalisé, la privatisation des communes détenues par de grandes sociétés (LVMH, Orange, ...) et le désengagement total de l'État, Lorca Varèse est à la recherche de sa fille Tishka, disparue mystérieusement à l'âge de quatre ans. Après des mois de recherche vaine, sa femme Sahar Varèse tente de faire son deuil tandis qu'il est persuadé que leur fille est partie ou a été enlevée par les furtifs. Il intègre le Récif, une unité militaire spécialisée dans la chasse de ces créatures.

Les furtifs sont des êtres doués de capacités mimétiques extraordinaires, aimant se cacher dans les angles morts de la vision, métabolisant animaux, végétaux et minéraux pour mieux se fondre dans leur environnement. Tout être humain les ayant aperçu déclenche leur céramisation, une forme de pétrification de leur corps ne permettant plus de les étudier. Les furtifs sont étroitement liés au son et à la musique.

C'est un roman que je ne saurais classer puisqu'il est inclassable . SF, certes, dans la lignée d'Orwell, anticipation d'un monde particulièrement inquiétant où l'homme est en demande de son propre esclavage; mais aussi polar, roman d'amour et poésie oulipienne. A mon sens, c'est d'ailleurs cet aspect qui l'emporte . Ci-dessous, l'incipit du roman :

Le Blanc— Il est dedans... — Comment tu peux savoir qu’il est dedans ?.. Arshavin . a un petit hoquet rieur, surpris. À ce moment-ci de l’examen final, après soixante-dix-neuf semaines de formation où il m’a tout appris, il ne s’attendait pas, de ma part, à une aussi potache provocation. Ça m’a échappé. Son bras est toujours tendu vers la porte close, vitrée dans sa partie supérieure, afin de m’inviter à entrer dans la salle... Il me toise à plein visage, avec son calme lunaire et ses yeux pers qui sont un hommage quotidien à l’intelligence. Derrière ma saillie, aggravée par mon sourire de contenance, il lit à cœur ouvert. Que j’ai peur. Que j’ai honte de m’abriter derrière des vannes déplacées alors qu’il faudrait être là, juste là, en prise. À se hisser en silence à la hauteur de l’instant. Le furtif est dedans. Ils le savent parce qu’ils ont activé les capteurs optiques, tactiles et thermiques, la résonance magnétique et l’artillerie d’écoute ; qu’ils ont mesuré les variations de l’hygromètre, le jeu des trains d’ondes et les infimes turbulences de l’air à l’intersection des murs. Ils le savent parce qu’ils ont au bout des doigts et devant les yeux la fastueuse technologie des chasseurs de furtifs que j’ai mis un an et demi à apprivoiser – cette technologie dont l’usage m’est, précisément, interdit pour l’examen. De manière à me mettre dans la plus nue des postures : seul dans un cube vide de six mètres d’arête. Face à face avec le furtif.

D'abord , très décontenancé, par les changements de narrateurs (six), toujours à la première personne et identifiables seulement par leur expression très personnalisée, j'ai mis près de 200 pages avant de vraiment entrer dans le roman ,jusqu'à ne plus pouvoir le lâcher : Un envoûtement !

A lire donc absolument